Monastère des dominicaines de Lourdes

 

La Bienheureuse Euphémie Domitilla

La bienheureuse et très illustre Princesse
EUPHÉMIE DOMITILLA, Professe du Monastère du
Saint-Esprit, à Ratibor, en Silésie
(1359)

l'incendie du célèbre monastère du Saint-Esprit à Ratibor , en Silésie, ayant consumé les mémoires de la vie de la B. Mère Euphémie Domitilla avec toutes les archives de la maison, nous sommes privés de la connaissance des actes héroïques de vertu qui ont rendu illustre cette Bienheureuse. Voici le peu qui a passé jusqu'à nous par une tradition immémoriale.

Cette fidèle épouse de Jésus-Christ était fille du duc de Ratibor, prince de la famille du roi de Pologne qui régnait pour lors, et dont les ancêtres avaient fondé le monastère qui a conservé le nom de ses illustres fondateurs, en reconnaissance de leur insigne libéralité. Cette jeune princesse consacra sa virginité à Dieu dès ses plus tendres années et, pour conserver cette précieuse fleur et la rendre d'une odeur agréable au divin Époux, auquel elle en avait fait un généreux sacrifice, elle pratiqua toutes sortes de pénitences et de mortifications. Sa plus chère occupation du jour et de la nuit était de prier Dieu et de méditer sur ses inestimables bienfaits. Son cœur brûlait d'amour pour lui, et cette ardente charité qui l'unissait à Dieu se répandant sur le prochain, elle embrassait avec joie les occasions de faire l'aumône aux pauvres, d'assister de son crédit les veuves et les orphelins, de consoler les affligés, de visiter et de servir les malades, et d'exercer quelques autres œuvres de charité et de miséricorde.
Elle fréquentait souvent les sacrements; et, par les grâces abondantes qu'elle y recevait, elle a heureusement conservé l'innocence baptismale jusqu'à la mort.

Lorsqu'elle eut atteint l'âge de treize ans, la réputation de sa rare beauté et de ses admirables vertus s'étant répandue dans les cours des princes d'Allemagne, le duc de Brunswick et le marquis de Brandebourg la demandèrent en mariage au duc son père, qui lui en fit les propositions, lui laissant la liberté de choisir de ces deux princes celui qui lui plaisait le plus. Elle lui répondit avec une admirable fermeté qu'elle s'était choisi un époux depuis longtemps, infiniment plus noble, plus riche, plus accompli et plus beau que ces deux princes. Le duc, son père, ne pénétrant pas d'abord sa pensée, s'irrita de cette réponse, et, quoiqu'il l'aimât extrêmement, il ne laissa pas de lui dire, tout en colère, qu'une fille de sa qualité ne pouvait et ne devait jamais engager ses affections à qui que ce fût, sans le consentement de ceux de qui elle avait reçu la vie. Elle lui répliqua avec une modestie généreuse qu'elle l'avait fait avec d'autant plus d'assurance d'être approuvée, qu'elle connaissait leur insigne piété, qui ne désapprouverait jamais sa consécration à Jésus-Christ par le vœu irrévocable de n'aimer jamais que lui seul.

Elle vit bien que sa beauté lui attirerait de nouvelles demandes de toutes parts, et qu'un plus long séjour au palais de son père ne servirait qu'à nourrir l'espérance des princes qui ne se rebutaient point de ses refus, les prenant pour un effet de la modestie et de la dévotion naturelles aux filles de son âge et de sa qualité. La jeune princesse résolut alors de se faire religieuse. Elle fit d'ardentes prières à Dieu pour connaître sa sainte volonté et redoubla ses jeûnes et ses austérités. Un jour, qu'elle suppliait son cher Époux, avec une ferveur extraordinaire, de lui marquer le lieu où il voulait qu'elle se retirât pour le servir avec plus de repos et de perfection, elle vit le ciel s'entrouvrir et trois globes de lumière descendre sur le monastère du Saint-Esprit des religieuses de saint Dominique et, au milieu de ces clartés une colombe d'une blancheur extraordinaire, laquelle, après s'être reposée quelque temps sur le toit de ce dévot monastère, y était entrée de plein vol comme dans le lieu de sa retraite. Elle jugea aussitôt que cette mystérieuse colombe était le Saint-Esprit, qui avait autrefois paru, sous la même forme, sur la tête sacrée de Jésus-Christ, quand il fut baptisé au fleuve du Jourdain ; d'où elle tira cette conséquence qu'il fallait que les religieuses de cette sainte maison fussent merveilleusement embrasées du pur amour de Dieu, puisque la troisième personne de l'adorable Trinité, qui est l'amour substantiel du Père et du Fils, se communiquait à elles avec tant de familiarité.

Pour participer au même bonheur, elle entra dans ce monastère, résolue d'y servir Dieu le reste de ses jours. Après lui avoir donné sa bénédiction, les princes ses parents, qui n'avaient pu la retenir dans le monde ni par leurs caresses ni par leurs persuasions, l'y conduisirent avec la dernière douleur comme à une sorte de sépulcre où elle allait s'enfermer toute vivante, pour mener une vie cachée aux yeux des hommes.

Elle prit l'habit de l'Ordre avec une admirable ferveur, et tous ceux qui assistèrent à cette auguste action, ont protesté avoir entendu un harmonieux concert depuis l'élévation de la Messe jusqu'à la fin de la cérémonie, Dieu ayant voulu honorer les noces de cette chaste épouse de la musique du ciel et des acclamations des anges, qui s'en rendirent les paranymphes par cette symphonie.
On s'aperçut bientôt qu'en recevant l'habit de l'Ordre, elle en avait reçu l'esprit avec plénitude. Elle pratiqua la vertu d'une manière encore plus héroïque qu'auparavant. Toutes ses actions étaient animées d'une ferveur qui en relevait le mérite. On n'a jamais vu une religieuse concevoir une plus haute estime de la grâce de sa vocation, plus amie de la pauvreté, pratiquer l'humilité avec plus de joie, exécuter l'obéissance avec plus de promptitude et plus d'affection, faire de plus sanglantes mortifications et avoir plus de mépris de soi-même et d'estime des autres.
Elle a excellé en toutes sortes de vertus ; particulièrement, elle a montré une patience invincible dans la plus injuste des persécutions. Le prince Nicolas, son cousin germain, qui avait succédé aux États du duché, dont il était devenu héritier par la retraite de sa parente dans la Religion, lui ôta violemment tout ce que le prince son père lui avait donné pour dot à sa profession, s'empara par force de certaines terres qu'il lui avait destinées pour son entretien et, agissant plutôt en tyran qu'en héritier et en parent, il réduisit, pour la désobliger plus cruellement, le monastère de Ratibor, où elle vivait, à la dernière nécessité. Elle souffrit ce mauvais traitement avec une patience héroïque; au lieu de lui reprocher son avarice et son ingratitude, elle fit d'instantes prières à Dieu pour sa conversion. Son unique douleur était que les religieuses souffrissent à son occasion.
Elue Prieure du monastère, elle le gouverna avec une prudence très éclairée, avec une grande effusion de charité à l'endroit de ses religieuses et avec un zèle ardent pour l'étroite observance. Enfin, après avoir fidèlement suivi son chaste Époux par la pratique de toutes les vertus, elle fut attaquée d'une maladie qu'elle reçut comme un avertissement à se tenir prête pour le suivre dans la gloire. Elle se prépara avec joie à la mort et reçut les derniers sacrements avec une piété très édifiante, et après s'être occupée longtemps à baiser son crucifix, qu'elle baignait de ses larmes, elle entra dans une douce agonie et mourut saintement vers la fin de janvier de l'année 1359.
Son corps fut enterré dans l'église du monastère, où les peuples l'ont en singulière vénération par les miracles que Dieu renouvelle tous les jours à son sépulcre. Tous les auteurs, tant de l'Ordre qu'étrangers, qui ont écrit ce fragment de sa vie, assurent comme une vérité constante que, toutes les fois qu'il doit arriver quelque calamité à la ville, ou la mort de quelque religieuse du monastère, on entend frapper avec grand bruit dans son tombeau. Ce qui est un avertissement au peuple de fléchir la justice de Dieu par la pénitence, afin de détourner les malheurs dont ils sont menacés, et aux religieuses de se préparer pour aller rendre compte à Dieu de toutes leurs actions.

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